Le Genre et l’inclusion sociale (GESI) : Faire bouger les lignes ou adopter le status quo ?
Il ne s'agit pas d'envisager la recherche de solution face à une problématique majeure en adoptant une démarche empreinte de violence ou une volonté frontale de déconstruction-construction. Au contraire, pour être opérante dans un processus de changement social, la démarche transgressive se doit de considérer la levée des barrières sous l'angle de la co-construction avec différentes parties prenantes.
L’analyse des parties prenantes dans le processus transgressif
L'identification de ces parties prenantes est donc un moment essentiel ; suivi de l'analyse de leurs rapports sectoriels à ladite problématique. Par exemple, face à la problématique de l'accès à la terre productive pour les femmes, comment se présentent le problème et ses enjeux ? Qui sont les parties prenantes en amont et en aval ? Quels sont les rapports d'intérêt et d'influence de chaque partie prenante, en amont (le problème) comme en aval (les enjeux et la recherche de solutions) ?
Dans cette analyse du problème, il est pris en compte le cadre légal et normatif, y compris en termes de normes sociales qui, elles-mêmes, renvoient aux représentations en œuvre par rapport à la femme, à sa place dans la société, aux rôles sociaux, entre autres. Il s'agit là de déterminer les facteurs contraignants (sachant que, dans la recherche de solutions, les facteurs habilitants seront à identifier également). Ainsi sont bien situés la question de l'égalité et l'enjeu de l'inclusivité.
Un autre moment de la démarche transgressive va maintenant consister dans la mise en place d'une stratégie pour dialoguer avec ou faire dialoguer différentes parties prenantes en mettant en place un dispositif adapté (acteurs et personnes ressources de rang et de qualité ; pairs représentatifs ; choix du momentum ; usages sociaux et bonnes pratiques ; conformité légale). Le caractère transgressif est donc à lire sous l'angle de la nécessité de questionner un problème social, avec la volonté de le solutionner avec le concours effectif de toutes les parties prenantes.
Derrière l'analyse du problème se situe une continuité visant à activer un ou des mécanismes de médiation sociale qui, tout en s'adossant au principe de régulation, intègre aussi le dispositif évoqué en amont.
La transgression par la médiation sociale
Pour cette médiation sociale, il s'agira d'identifier le pair, influent, qui, par l'exemplarité et la crédibilité, peut asseoir la confiance et poser sur la table des propositions et des contenus entendables par le vis-à-vis. Le rôle des pairs est fondamental dans cette médiation.
Pour illustration : un chef traditionnel est davantage disposé à écouter un autre chef traditionnel, dès lors que rien dans leurs histoires respectives n'a généré des tensions perpétuées par la mémoire.
Une organisation de femmes sera disposée à écouter le témoignage d'une autre organisation de femmes, dès lors que la réputation de cette seconde organisation est faite et est positivement perçue.
En outre, il n'y a rien de plus convaincant pour un religieux qu'un pair dont la crédibilité en tant que religieux est considérée comme très forte au-delà de ses engagements sociaux ou autre.
C'est donc là des portes d'entrée ou entre autres facteurs habilitants qui peuvent être activés, en encourageant les évolutions ou, à terme, le changement dans le domaine qui est questionné (de par la transgression).
Derrière le concept de transgression, il faut ainsi voir toute la démarche de médiation sociale et de recherche de solutions pour que l'équité se réconcilie effectivement avec l'égalité.
Transgression et équité sociale ou transgression irréversible
C'est ce principe d'équité qui crée plus facilement les conditions pour l'intersectionnalité. Car la rigidité du principe d'égalité limite fortement les perspectives liées à l'intersectionnalité. Autrement illustré : l'existence de la loi ne favorise pas toujours l'effectivité des droits et les bénéfices qui en sont attendus.
Pour autant, il importe grandement que la démarche demeure permanemment dans une perspective qui, d'une forme d'inégalité, n'engendre pas une autre forme d'inégalité. En effet, par-delà les postures et les discours, les résistances des pourfendeurs du Genre menant vers l'équité, s'expliquent, en partie, par la crainte de perdre son statut et son rôle social dans les lieux sociaux concernés.
L'attitude de vigilance constructive invite ainsi à asseoir la médiation sociale en intégrant des variables relatives à la stabilité des rôles sociaux dans un contexte où l'évolution des rôles productifs est clairement appelée à être considérée par tous, dans les différentes échelles de la société.
La contribution sexo-spécifique des acteurs devient ainsi une dimension non pertinente à occulter dès lors qu'elle ne tend aucunement à remettre en cause les statuts et les rapports sociaux dans leur contexte d'expression et d'appréciation.
Au total, la principale précaution du promoteur du GESI, c'est de déterminer, dès le départ, si sa motivation relève du militantisme politique, idéologique ou si cette motivation est pleinement principielle et fondée sur la justice sociale, en s’engageant dans l’évolution des attitudes par l’évolution des représentations et pour le changement social, à terme.
Surtout que la charge émotionnelle qui habite la transgression permet de décliner ce concept dans une acception propre à chacun.
Jean Pascal CORREA
